premier Café de rentrée

Mardi 14 septembre à 18 heures 

premier Café de rentrée :

Mardi 14 septembre à 18 heures 

Espace des Diversités et de la Laïcité 

38 rue d’Aubuisson – Toulouse.

Olivier CORBOBESSE sera notre invité et intervenant.

Il abordera le thème suivant :  » Football et Troisième République « .

Diplômé de Sciences Po, éducateur diplômé de football, Olivier a écrit quatre
ouvrages sur les liens entre football et culture. Le dernier, L’Histoire racontée par le

football, est paru en septembre 2020 aux éditions Marie B.

Codifié à la fin du XIXe siècle, le football devient rapidement un miroir voire un
vecteur des grands enjeux qui traversent la Troisième République : la séparation des

Églises et de l’État, la question sociale, le fait colonial…

Visioconférence d’Alain Ruscio : deux ouvrages publiés

Des racines coloniales du racisme « à la française »

Petit dictionnaire des insultes racistes (Français)

Quand il s’agit de blesser l’Autre, présumé faible et sans défense, l’imagination humaine est sans limites, le vocabulaire s’enrichit – mot contestable – en permanence. Quand, de plus, une communauté humaine est persuadée qu’elle est supérieure, quand elle est seule à posséder le Verbe, majuscule à l’appui, à traduire par mille canaux le regard méprisant ou condescendant, le flot se fait torrent. Durant quatre siècles, la dévalorisation des êtres à peaux noires, basanées, brunes, jaunâtres, croisés, puis soumis au joug, mena à des comparaisons insultantes  : ces êtres étaient des sous-hommes, des animaux sans doute légèrement perfectionnés  ; ou, version douce, des éléments intermédiaires entre l’humanité réelle (la blanche), accomplie et l’animalité.

QUAND LES CIVILISATEURS CROQUAIENT LES INDIGÈNES
DESSINS ET CARICATURES AU TEMPS DES COLONIES

Il fut un temps où la France exerçait son autorité sur des millions de femmes et d’hommes, désignés pour l’occasion indigènes et catalogués noirs, jaunes, bruns, basanés… Sûr de la supériorité de ses valeurs, l’homme blanc imposa sa domination à ceux qu’il considérait physiologiquement et intellectuellement inférieurs, êtres imparfaits qu’il lui revenait donc d’humaniser (la fameuse mission civilisatrice)… Pour emporter l’indispensable adhésion des Français moyens en imposant les certitudes raciales – en fait, racistes – le dessin et la caricature envahirent tous les supports imaginables : la presse, mais aussi les affiches, les vignettes publicitaires, les images de catéchisme ou distribuées aux enfants des écoles, les cartes postales, etc. Il s’agissait de dénoncer et/ou de ridiculiser les travers de nos sujets, en proie à l’imbécillité et à la violence. Quelques protestations évidemment s’élevèrent, venues des rangs de l’extrême gauche ou plus simplement de courants humanistes, mais elles restèrent strictement minoritaires. Tiraillé en permanence entre le sourire crispé et un sentiment de révolte face à cette imagerie coloniale précisément commentée, chacun pourra nourrir sa réflexion sur les racines d’un certain regard contemporain sur les autres.
Alain Ruscio est historien, spécialiste de longue date de l’étude des comportements et des mentalités au temps des colonies.

REVOIR la visioconférence du 30 mars

COLONIALISTES ET ANTICOLONIALISTES FACE A LA QUESTION ALGERIENNE de 1830 à 1962

Cliquez sur l’image ci-dessous

Ce thème est traité par Alain Ruscio, historien reconnu d’un sujet qui est en plein dans l’actualité avec le rapport Stora et les polémiques nées de la dénonciation d’un « islamo-gauchisme » qui serait présent dans les universités françaises. Une réflexion apaisée, ancrée sur la pensée de Jaurès que Ruscio a particulièrement étudiée permettra à chacune et à chacun de parfaire ses connaissances et d’alimenter un débat, conformément à notre raison d’être depuis 2011.

Visioconférence du 30 mars, les étudiants en Lettres de Toulouse contre la guerre d’Algérie (simple témoignage personnel à partir de notes prises en 1961-62)

À l’occasion du prochain café Jaurès du 30 mars 2021 sur les mouvements anticolonialistes, je voudrais donner au site des Amis de Jean Jaurès à Toulouse un bref témoignage sur quelques épisodes de 1961-1962, certains peut-être méconnus. Les phrases rapportées sont authentiques.

  1. Des manifestations
    Avant même la grande manif du 24 avril 1961 contre le putsch des généraux à Alger, mais sans pouvoir préciser la date exacte, une grève étudiante unitaire s’était produite contre l’augmentation du prix des repas aux restaus U et l’insuffisance du logement pour étudiants. Même la corpo de Droit s’y était associée ! Un meeting nous réunissait dans la grande salle du Sénéchal. Meeting perturbé par un groupe venu crier : « Les cocos à Moscou ». Réponse : « À Madrid les fafas ». Ils ont balancé des pétards dans la salle. Nous les avons expulsés et je me souviens de mon copain mazamétain Michel C. s’imposant devant eux en brandissant une chaise qu’il n’aurait pas hésité à fracasser sur quelque crâne. Précisons que la salle était contiguë à un poste de police dont nous n’avons aperçu aucun représentant pendant toute la bagarre.
    Le 24 avril 1961, j’ai participé à la grande manif contre le putsch des généraux. Pour le soixantième anniversaire, le 24 avril 2021, je ferai reproduire ici, sur ce site, quelques documents que j’ai conservés. La manif s’est heurtée d’abord à un groupe Algérie française, puis aux CRS. Nous avons crié « OAS assassins », « Le fascisme ne passera pas », « Paix en Algérie », « Né-gociations ». Nous avons distribué des tracts aux passants, les invitant à se joindre à nous. Réponse d’une femme : « Vous feriez mieux d’être à l’école. » L’objectif des manifestants était la paix en Algérie, pas de casser des vitrines ou du mobilier urbain. Nous savions que nous nous exposions à prendre des coups et nous les avons pris sans nous plaindre. Lors d’une de ces manifs, les CRS ont chargé à vélo, mais plusieurs ont fait la culbute et j’ai constaté que l’expérience n’a pas été renouvelée.
    Le Front syndical et les Comités antifascistes ont organisé une grande manif pour le 1er mai 1961. J’ai encore conservé des tracts pour appeler à une manif le 22 novembre au « square du Capitole, sur les lieux du dernier attentat fasciste ». Des attentats au plastic avaient en effet été perpétrés à Toulouse comme à Paris.
    Le 17 janvier 1962, à la suite du plasticage du siège de l’UNEF à Toulouse (AGET, Association générale des étudiants de Toulouse, rue des Lois), grève générale des étudiants et des professeurs de la fac des Lettres. Nous essayons d’entrainer les étudiants d’un cours de Droit et nous sommes accueillis par la formule habituelle : « Les cocos à Moscou », mais aussi par « ti-ti-ti ta-ta » (= Al-gé-rie fran-çaise), sous les applaudissements du professeur. En Lettres, devant l’amphi Marsan, une étudiante me réprimande : « Vous me privez du cours délicieux de Monsieur D… Vous croyez avoir compris la politique, mais mon père lui-même qui a 50 ans n’a pas encore compris. »
  2. Une bagarre devant le siège de l’AGET
    J’ai noté la date : le 3 avril 1962. Sortant de la fac des Lettres vers midi et me dirigeant vers le restau U de la rue des Lois, je vois un attroupement insolite et une bagarre. Je confie ma montre à ma compagne et je m’avance. Une dizaine de gros types sont en train de tabasser un garçon membre des Jeunesses communistes que je connais. J’essaie de le protéger ; trois fois je suis roulé par terre et frappé, pendant qu’une centaine de spectateurs crient « OAS assassins » pour m’encourager. Depuis les bureaux de l’AGET, on a téléphoné à la Bourse du Travail (qui n’est pas très éloignée) et au poste de police. Quand on entend le cri « Les prolos arrivent », le commando tabasseur s’enfuit. Je ne suis pas sérieusement touché : un genou enflé, quelques égratignures, une oreille en sang. Un autre étudiant, L…, a saigné davantage. Il y a une petite tache sur le trottoir, et un militant convaincu a écrit, juste à côté : « Voilà ce que les fascistes ont fait. » Vingt minutes après la fin de la bagarre, des policiers arrivent par la rue des Lois. L’un d’eux court devant en brandissant son revolver. Voyant que les autres suivent au pas nonchalant à trente mètres en arrière, il s’arrête et les attend. Les étudiants applaudissent leur arrivée. Les policiers disent : « Pas de manifestation, laissez-nous faire. » Les agresseurs sont déjà loin. Conclusion d’un policier à propos des étudiants : « Ils ne sont bons qu’à ça, tous les mêmes, à causer des emmerdements. » Un naïf ou un plaisantin dit à haute voix devant le sang de L… : « On a tué un poulet ici ? » Il se fait vertement réprimander par les pou…, par les policiers.
  3. Monter la garde
    Fin 1961 et début 1962, Philippe Wolff (professeur d’histoire) et Georges Viers (professeur de géographie) ont pris à la faculté des Lettres de Toulouse des positions courageuses contre l’OAS. Dans le contexte d’attentats de l’époque, la peur de représailles a conduit des étudiants de la faculté à envisager une surveillance des habitations personnelles des deux professeurs. Elle a pu être effective pour celle Georges Viers qui habitait une maison individuelle, mais pas pour Philippe Wolff qui résidait dans un immeuble. Étudiant en histoire, j’ai été chargé de l’organisation et du « recrutement », parfois difficile, ce qui impliquait de ma part une large participation aux nuits de garde. Pendant deux mois environ, au printemps 1962, les étudiants, par groupes de quatre, se relayaient et « montaient la garde » dans la maison de M. Viers. Je ne me souviens pas des noms de tous, sauf de Michel C. et de Michelle B. Il n’y a eu aucun attentat, mais une des équipes a pu signaler aux pompiers un début d’incendie dans le quartier. Pendant ce temps, à Paris, diverses opérations de même type étaient montées, en particulier dans la librairie de François Maspero.

Si certains amis de Jaurès ont des compléments à apporter, ils seront les bienvenus.
Rémy Cazals

Revoir le Café Jaurès du mardi 16 février 2021 « L’élection présidentielle américaine 2020 : bilan et perspectives »

L’élection présidentielle américaine, 2020 : bilan et perspectives

                   Le 20 janvier 2021, les Etats-Unis d’Amérique ont vécu l’investiture de leur nouveau président Joseph Biden. Cette « inauguration » a couronné une longue période électorale avec un record historique de votes par correspondance, une longue journée électorale le 4 novembre et un processus de décompte des voix à la fois très long et émaillé de contestations, notamment de la part du président sortant Donald Trump. Deux semaines à peine avant l’investiture, ce processus s’est achevé au Capitole par une émeute quasi séditieuse encouragée par le président Trump alors que le Congrès était réuni pour certifier le résultat définitif des élections. Ce vote, une formalité en temps normal, fut d’abord retardé par l’invasion de la chambre par la foule. Quand les délibérations ont repris, de nombreux députés et sénateurs républicains ont continué à contester les résultats mais, au final, au milieu de la nuit, les deux chambres ont voté la certification de la victoire de Joe Biden.

Cette élection s’est déroulée dans un contexte très différent de celui imaginé encore il y a quelques mois : le Covid19 est passé par là avec plus de 400 000 morts aux USA (un chiffre qui ne cesse de grimper) et une économie qui a subi un choc très fort. La mort de George Floyd et les manifestations qui ont suivi ont fait resurgir le spectre du racisme et de ses conséquences dans une Amérique profondément divisée.

Quels événements ont façonné l’élection et ses résultats ? Que s’est-il passé dans les élections au Sénat et à la chambre des représentants ? Avec une petite majorité d’élus dans la Chambre des représentants et l’égalité (50-50) au Sénat, comment le nouveau président peut-il gouverner ?  Ce sera aussi l’occasion de parler des perspectives – qui sont les grandes figures de son « cabinet », quelles sont ses premières décisions ? Est-ce que l’Europe redeviendra une alliée ? Le multilatéralisme est-il définitivement mort aux Etats-Unis ? Est-ce que le « trumpisme » peut survivre à l’ex président ?

Pour explorer ce nouveau monde politique, notre table ronde réunira deux spécialistes des Etats-Unis et, plus largement, de l’Amérique du Nord :

Françoise Coste, professeure de civilisation américaine à l’Université de Toulouse-Jean- Jaurès, est spécialiste de la vie politique américaine, notamment du parti républicain. Elle est l’auteure d’une biographie remarquée de Ronald Reagan en 2016 chez Perrin.

Jack Thomas, professeur d’histoire émérite, ayant enseigné l’histoire des Etats-Unis pendant presque quatre décennies, sera l’animateur de cette table ronde. 

Rémy Cazals, membre éminent de notre association, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse-Jean-Jaurès, auteur de nombreuses recherches sur Jean Jaurès, la mémoire populaire, l’histoire ouvrière et les guerres, auteur récent d’un texte « Trumpistes et antidreyfusards », analysera la situation actuelle à la lumière des événements survenus au temps de Jaurès.

L’élection présidentielle américaine, 2020 : bilan et perspectives

                   Le 20 janvier 2021, les Etats-Unis d’Amérique ont vécu l’investiture de leur nouveau président Joseph Biden. Cette « inauguration » a couronné une longue période électorale avec un record historique de votes par correspondance, une longue journée électorale le 4 novembre et un processus de décompte des voix à la fois très long et émaillé de contestations, notamment de la part du président sortant Donald Trump. Deux semaines à peine avant l’investiture, ce processus s’est achevé au Capitole par une émeute quasi séditieuse encouragée par le président Trump alors que le Congrès était réuni pour certifier le résultat définitif des élections. Ce vote, une formalité en temps normal, fut d’abord retardé par l’invasion de la chambre par la foule. Quand les délibérations ont repris, de nombreux députés et sénateurs républicains ont continué à contester les résultats mais, au final, au milieu de la nuit, les deux chambres ont voté la certification de la victoire de Joe Biden.

Cette élection s’est déroulée dans un contexte très différent de celui imaginé encore il y a quelques mois : le Covid19 est passé par là avec plus de 400 000 morts aux USA (un chiffre qui ne cesse de grimper) et une économie qui a subi un choc très fort. La mort de George Floyd et les manifestations qui ont suivi ont fait resurgir le spectre du racisme et de ses conséquences dans une Amérique profondément divisée.

Quels événements ont façonné l’élection et ses résultats ? Que s’est-il passé dans les élections au Sénat et à la chambre des représentants ? Avec une petite majorité d’élus dans la Chambre des représentants et l’égalité (50-50) au Sénat, comment le nouveau président peut-il gouverner ?  Ce sera aussi l’occasion de parler des perspectives – qui sont les grandes figures de son « cabinet », quelles sont ses premières décisions ? Est-ce que l’Europe redeviendra une alliée ? Le multilatéralisme est-il définitivement mort aux Etats-Unis ? Est-ce que le « trumpisme » peut survivre à l’ex président ?

Pour explorer ce nouveau monde politique, notre table ronde réunira deux spécialistes des Etats-Unis et, plus largement, de l’Amérique du Nord :

Françoise Coste, professeure de civilisation américaine à l’Université de Toulouse-Jean- Jaurès, est spécialiste de la vie politique américaine, notamment du parti républicain. Elle est l’auteure d’une biographie remarquée de Ronald Reagan en 2016 chez Perrin.

Jack Thomas, professeur d’histoire émérite, ayant enseigné l’histoire des Etats-Unis pendant presque quatre décennies, sera l’animateur de cette table ronde. 

Rémy Cazals, membre éminent de notre association, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse-Jean-Jaurès, auteur de nombreuses recherches sur Jean Jaurès, la mémoire populaire, l’histoire ouvrière et les guerres, auteur récent d’un texte « Trumpistes et antidreyfusards », analysera la situation actuelle à la lumière des événements survenus au temps de Jaurès.

Trumpistes et antidreyfusards.

Par Rémy Cazals

Lorsque l’on cherche à faire des comparaisons entre épisodes historiques, on se heurte souvent à des différences évidentes qui tiennent au décalage dans le temps et aux diverses constructions politiques des pays concernés. Ainsi, une ressemblance existe entre Trump, 45e président des USA, élu en 2016, et Louis Napoléon Bonaparte, premier président de la République française, élu en 1848, dans leur volonté commune de rester au pouvoir alors que, légalement, ils ne le pouvaient pas.

Mais « le 18 brumaire de Louis Bonaparte » est un coup d’État préparé très sérieusement et réalisé dans une violence délibérée. On voit mal le futur Napoléon III parler d’une « attaque odieuse » à propos de l’action de ses séides. Par contre, il me semble intéressant de souligner quelques points communs entre l’Amérique de Trump et la France de l’affaire Dreyfus.

1. Trump a vécu dans le mensonge permanent, puis dans les affirmations sans preuves à propos d’une élection parfaitement régulière mais qu’il considérait comme truquée. En France, les antidreyfusards ont accumulé de fausses preuves de la culpabilité de Dreyfus qui s’effondraient l’une après l’autre, il fallait alors en inventer de nouvelles et multiplier les faux documents. Au contraire, dans ses articles argumentés réunis en volume sous le titre Les Preuves, Jean Jaurès a démontré l’innocence du capitaine. Les enquêtes exhaustives de la Cour de cassation ont débouché sur un résultat identique, balayant tous les faux.

2. Dans le déroulement des deux épisodes, les médias n’étaient pas les mêmes. Tweeter et les chaines de télé d’un côté, la presse papier de l’autre. Mais les quotidiens antidreyfusards comme La Libre Parole, La Croix et quantité d’autres ont pratiqué les mêmes formes de désinformation. En plus des lecteurs des feuilles extrémistes, on trouve chez les contemporains de l’affaire Dreyfus une forte crédulité. Lorsque le ministre Cavaignac a présenté des faux évidents comme des preuves décisives de la culpabilité de Dreyfus, les députés de la Chambre élue en 1898  ont gobé son discours et ont voté son affichage dans toutes les communes. Battu dans la circonscription de Carmaux, Jaurès ne siégeait donc pas mais il s’est rapidement rendu compte qu’il pouvait utiliser la bêtise de Cavaignac pour relancer l’Affaire.

3. Trumpistes et antidreyfusards ont un autre point commun, c’est la volonté de dénigrer « l’establishment » et les « intellectuels ». Les partisans de Trump se retrouvent majoritairement parmi les moins diplômés, c’est l’arrivée de diplômés dans des États autrefois républicains qui y a fait gagner Biden. Les savants se sont très largement mobilisés en faveur de Dreyfus en argumentant leur position comme le montre précisément le livre de Vincent Duclert, L’affaire Dreyfus, publié à Toulouse par Privat en 2010.

4. On a beaucoup parlé des thèses complotistes aux États-Unis. Rappelons comment les Juifs étaient perçus dans une bonne partie de l’opinion française vers 1900. Rappelons la légende d’un empereur d’Allemagne attendant avec impatience les documents secrets que Dreyfus devait lui fournir, et annotant de sa propre main la pièce relative au système de freinage du canon de 120. Rappelons l’affirmation imparable: si les autorités allemandes prétendent qu’elles n’ont eu aucune relation avec le capitaine Dreyfus, c’est bien la preuve qu’elles veulent le protéger et donc qu’il est coupable.

5. L’envahissement du Capitole à Washington par les partisans de Trump fait penser à la tentative de Déroulède de faire marcher un général et ses troupes sur l’Élysée. L’épisode est complété par le coup de canne d’un aristocrate antidreyfusard sur le président de la République parce que celui-ci était favorable à la révision du procès Dreyfus.

6. En souhaitant réaliser la formule « Make America Great Again », Trump a fait exactement le contraire: il a affaibli son pays et l’a ridiculisé dans le monde entier. Les ennemis des USA en ont bien profité, on l’a vu. Les antidreyfusards refusaient d’admettre l’innocence de Dreyfus en prétendant défendre ainsi l’honneur de l’Armée. Jaurès leur disait: l’Armée serait grandie si elle savait reconnaitre son erreur en ne le faisant pas, les grands chefs militaires s’enfoncent dans l’abjection.

7. Malgré ses mensonges et ses erreurs, Trump a obtenu un nombre de voix extraordinairement élevé à la présidentielle de 2020, et il faudra voir dans quelle mesure le noyau de ses fidèles inconditionnels a résisté aux derniers rebondissements. Le général Mercier, principal responsable de la condamnation frauduleuse de Dreyfus en 1894, de la nouvelle condamnation en 1899, et refusant obstinément d’évoluer, a été élu en 1900 sénateur du département de Loire-Inférieure.

8. Pour conclure, je constate que les héritiers politiques de l’extrême-droite en action dans l’affaire Dreyfus en France manifestent leur proximité des trumpistes américains. Le quotidien Le Monde a publié, le 9 janvier 2021, p. 11, les tweets de certains responsables du Rassemblement national opposant la violence de la répression exercée contre les partisans de Trump entrés dans le Capitole au laxisme de la police quand il s’agit d’émeutiers noirs. On a déjà rencontré plus haut les mots «abjection» et «bêtise».