Je vous transmets ce texte d’Albert Vidal que certains d’entre vous connaissent peut-être déjà. Vous pouvez le diffuser aussi largement que vous le souhaitez et, si une troupe était intéressée, je serais heureux que la pièce soit jouée à nouveau. Personnellement je la trouve très bonne, et de bons amateurs peuvent bien la mettre en valeur”.
Rémy Cazals.
Au cours du premier semestre 1939, la préfecture du Tarn a réparti dans les communes du département des contingents de blessés de l’armée républicaine espagnole réfugiés en France. Le maire de Mazamet (dans la pièce, Mme Subreville est son épouse) voulait les parquer dans une usine abandonnée, malsaine. Albert Vidal s’en est indigné. Le maire lui a dit : « Si vous n’êtes pas content, vous n’avez qu’à les prendre chez vous ! » Albert Vidal a répondu : « C’est ce que je vais faire. » Et il a transformé ses magasins à laine en hôpital auxiliaire sous la direction du docteur Bonneville assisté d’infirmières de la Croix Rouge. Homme d’action et aussi écrivain, Albert Vidal en a tiré une courte pièce dont j’ai retrouvé le texte dans les archives de sa famille. Les personnages sont réels, mais leurs noms sont fictifs. L’article de journal évoqué est bien réel aussi et j’en donne la copie après le texte de la pièce. Dans le manuscrit, la pièce n’a pas de titre. C’est moi qui ai proposé L’Infection. Le texte jusque là inédit et le dossier explicatif complet, avec des récits de témoins, ont été publiés dans mon livre Le Jeune Homme qui voulait devenir écrivain (Toulouse, Privat, 1985). La pièce a été jouée à l’Espace Apollo à Mazamet et au Tortillard à Saint-Amans-Soult en 2009. Elle est à la disposition de qui veut la rejouer et je répondrai à toute demande de précisions sur le contexte.
L’Infection, un acte en prose, par Albert Vidal
La salle de pansements de l’hôpital auxiliaire n° 7. Au lever du rideau, l’infirmière-major, entourée de jeunes infirmières affairées, fait un pansement.
L’infirmière -major. — Coton ! (Mlle Sage lui présente une boîte.) Non ! Pas une noisette ! Quand je demande du coton, donnez m’en assez pour que je puisse prendre ce qu’il me faut. Pas d’économies, Mademoiselle Sage. Ce n’est pas nous qui payons, sage demoiselle. D’ailleurs il ne faut pas toujours faire des économies.
Mlle Sage (les larmes aux yeux). — Mais je ne pensais pas à faire des économies. Hier, je vous ai passé la boîte des nappes, vous m’avez dit : que voulez-vous que je fasse de ça ? Une noisette ! Et aujourd’hui…
L’infirmière-major. — Hier, c’était hier, et aujourd’hui…
Mlle Hemery. — C’est aujourd’hui (rires).
L’infirmière-major. — Mesdemoiselles, je n’aime pas cela. Ce ton de plaisanterie n’est pas de mise devant la souffrance. Je crois vous l’avoir déjà dit.
Mlle Verrier (à mi-voix). — Oh oui !
L’infirmière-major. — Et celui-ci a justement l’air de souffrir un peu plus qu’il n’est raisonnable… Ah ! tiens-toi tranquille, je finirai par te piquer. Tranquille, oui tranquille toi tenir. Il ne comprend pas. Eh ! là-bas, l’interprète juré, comment dit-on tranquille ?
Mlle Hemery. — Quieto.
L’infirmière-major. — Vous parlez espagnol ?
Mlle Hemery. — Non. Mais je sais dire tranquille. C’est un mot dont on a souvent besoin quand vous faites les pansements (rires étouffés).
L’infirmière-major. — Quel mot faudra-t-il quand c’est vous qui les ferez ? Je me le demande… Ah ! ne bouge plus, toi. Ou je t’enfonce une épingle dans la cervelle. Non ! mais voyez-moi ce numéro. Il a le cerveau dehors et il remue sur sa chaise comme un possédé. Tu es plus que chauve, mon vieux ! Quieto ! Ou gare à ta matière grise.
Mlle Sage. — Il doit souffrir.
L’infirmière -major . — Je pense bien. C’est la moindre des choses.
Mlle Verrier. — Oh !
L’Infirmière-major. — Il ne l’a certainement pas volé ! Voyez-moi cette tête de bandit. Et nous sommes obligées de les soigner ! Et nous sommes obligées de prendre toutes les précautions possibles pour qu’ils guérissent, pour qu’ils souffrent le moins, eux qui… Et nous les prenons, oui Mesdemoiselles… Tiens, c’est fini. Tu peux t’en aller, jeune assassin de curés. A un autre.
Mlle Sage. — Vous croyez vraiment qu’il a assassiné des curés ?
L’infirmière-major. — A un autre. Amenez-moi le mal amputé.
Mlle Hemery. — Le mal amputé ? Comment s’appelle-t-il ?
L’infirmière-major . — Les noms, j’y ai renoncé. Ils sont impossibles à retenir et à prononcer. Sauf pour ceux qui ont des noms chrétiens.
Mlle Sage. — Jésus, par exemple.
L’INFIRMIÈRE-major. — Oui, Jésus !… Jésus ! Ils ont le toupet de s’appeler Jésus.
(Un temps.)
L’infirmière-major. — Eh bien, ce mal amputé, il arrive ?
Mlle Sage. — Je n’ai pas pu le trouver.
L’infirmière-major. — Il ne s’est pas envolé avec ses béquilles. Ah ! ils commencent à m’embêter ! Ils n’ont pas autre chose à faire que manger, dormir, jouer aux cartes et se laisser soigner. Nous n’avons pas le temps de les chercher chacun comme épingle menue.
Mlle Verrier. — En attendant, on pourrait soigner Domingo. Vous avez dit hier qu’il fallait refaire son pansement tous les jours.
L’infirmière-major. — Elle y tient à son Domingo. Allez le chercher. Vous, Mademoiselle Hemery, qui parlez espagnol…
Mlle Hemery. — Je ne parle pas espagnol.
L’infirmière-major. — On vous comprend et vous comprenez. Cherchez-moi ce mal amputé. Et vous, sage demoiselle…
Mlle Sage. — Je n’aime pas que vous m’appeliez comme ça.
L’INFIRMIERE-major. — C’est pourtant votre nom. Et vous le méritez bien.
Mlle Sage. — Non, non, non !
Mlle Hemery. — Elle ne veut pas être sage. (Elle rit et va vers la porte, où elle rencontre Mme Subreville qui entre.) Oh ! pardon, Madame. Comment allez-vous ?
Mme Subreville. — Bien, merci. Vous partez ?
Mlle Hemery. — Je vais chercher le mal amputé. Vous avez besoin de moi ?
Mme Subreville. — Non, merci. Au contraire.
Mlle Hemery. — Au contraire ?
Mme Subreville. — Non, pardon… Excusez-moi. (Importante) J’ai à parler à Mme l’infirmière-major et…
Mlle Hemery. — J’aurais été de trop.
Mme Subreville. — Mais non, voyons. Mais…
Mlle Hemery. — Mais alors, Mlle Sage est de trop, elle aussi. Je vais l’emmener.
Mme Subreville. — On ne peut rien vous cacher. Allez faire un tour de parc toutes les deux. (Les deux jeunes filles sortent).
Mme Subreville (importante). — J’ai à vous parler. (Elle désigne la porte par où sont sorties Mlle Hemery et Mlle Sage.) Vous avez pensé à ces jeunes filles ?
L’infirmière-major. — Oui. Eh bien ?
Mme Subreville. — Nous ne pouvons pas leur laisser continuer leur service. Mon mari est dans une colère ! Hier, il a téléphoné cinq fois à la préfecture. Il leur a dit leur fait, à tous : Est-ce que vous prenez ma commune pour un dépotoir ? Des blessés, oui. Mais des blessés de Mars. Je ne veux pas des blessés de Vénus. Je n’accepte pas que les pures jeunes filles qui se dévouent pour soigner des soldats soient exposées à être contaminées moralement et peut-être physiquement par les tristes héros de la débauche. Ah ! je vous prie de croire qu’avec lui nous sommes défendus.
L’INFIRMIÈRE-major. — Et qu’a répondu la préfecture ?
Mme Subreville. — C’est scandaleux. Elle a répondu qu’un hôpital n’était pas fait seulement pour les blessés, qu’on devait y soigner tous ceux qui ont besoin de soins, que les syphilitiques étaient moins dangereux que les typhiques et les tuberculeux.
L’infirmière-major. — C’est vrai.
Mme Subreville. — Enfin ils n’ont rien voulu entendre. Alors je viens voir avec vous comment nous pourrions arranger les choses en nous passant des jeunes filles. Parce que là-dessus mon mari ne transigera pas. Mais il y a moyen de s’organiser. Les infirmières ne manquent pas.
L’infirmière-major. — Oui, quand il s’agit de se faire photographier dans un groupe de glorieux mutilés, elles sont toutes là. Surtout celles que le costume flatte.
Mme Subreville. — Voyons. Nous avons Mme Vène.
L’infirmière-major. — Vous savez bien qu’elle ne veut rien faire pour les rouges.
Mme Subreville. — Mme Maze. Elle ne peut pas refuser, elle est vice-présidente.
L’infirmière-major. — Elle refuse pourtant.
Mme Subreville. — Mme Durand…
L’infirmière-major. — Idem.
Mme Subreville. — Il faut pourtant s’organiser. Tout est là. Mon mari me le dit toujours : or-ga-ni-sa-tion.
L’infirmière-major. — Votre mari a peut-être raison. Mais il ne nous aide pas.
Mme Subreville. — Il ne vous aide pas ! Par exemple ! Je viens de sa part m’entendre avec vous, organiser suivant ses conseils…
L’infirmière-major. — Mais il n’y a rien à organiser si nous ne désorganisons pas d’abord. Le service marche.
Mme Subreville. — Non. Là-dessus il est catégorique. Il ne veut pas exposer les jeunes filles au contact et à la contagion des syphilitiques.
L’INFIRMIÈRE-major. — Pour toutes les blessures, pour toutes les maladies, il y a des précautions à prendre. Toutes les infirmières savent cela. Mais cette précaution n’a pas sa raison d’être. Venez demain matin à neuf heures. Le médecin-chef passera la visite des derniers arrivés. Vous verrez…
Mme Subreville. — Ne comptez pas sur moi.
L’infirmière-major. — Vous n’êtes pas libre demain ?
Mme Subreville. — Ce n’est pas cela. Mon mari m’interdit de me charger de tout service dans cet hôpital tant qu’il y aura des syphilitiques.
L’infirmière-major. — Mais enfin, comment voulez-vous que je fasse ?
Mme Subreville. — Je viens justement…
L’infirmière-major. — Vous venez me dire qu’il faut or-ga-ni-ser. Et vous commencez par flanquer par terre tout ce qui est organisé en me faisant savoir qu’il n’y a plus à compter sur vous.
Mme Subreville. — J’ai des enfants. Je ne dois pas m’exposer à attraper ce que je n’ai pas.
L’INFIRMIÈRE-major. — Et moi ? Et nous ? Celle qui vous remplacera doit s’exposer, elle. Je vous dis que vous n’avez pas réfléchi.
Mme Subreville. — Non seulement nous avons réfléchi. Mais pour plus de sûreté mon mari a consulté son directeur de conscience…
(Entrent, très excitées, les trois jeunes filles.)
Mlle Sage (tenant un journal). — Oh ! Madame. Vous avez vu ?
Mlle Hemery. — C’est vrai que nous risquons d’être pourries ?
Mlle Verrier. — Moi, je n’ai pas peur.
Mlle Hemery (toujours moqueuse). — Je ne peux pas croire que Domingo, qui a de si jolis yeux, a couru les bouges de Barcelone.
L’infirmière-major. — Qu’est-ce que vous racontez ?
Mlle Sage (convaincue). — C’est dans le journal !
Mlle Verrier. — Ce qui est dans le journal n’est pas toujours vrai.
Mlle Hemery. — Elle défend son Domingo.
Mlle Verrier (furieuse). — Je n’ai pas de Domingo. Ce n’est pas mon Domingo plus que le vôtre. Mais je sais que les journaux mentent souvent.
L’infirmière-major. — Que dit celui-ci ? (On lui donne le journal).
Mlle Sage. — C’est ici.
L’infirmière-major (lisant). — Gare aux réfugiés espagnols… Il est arrivé un nouveau contingent… Certains étaient dans un état lamentable… tous atteints de maladies vénériennes… Il eût été logique en pareil cas d’évacuer sur un port espagnol ces Espagnols qui traînent avec eux le peu reluisant bagage de maladies provenant des nuits d’orgie… On aurait ainsi rendu à César ce qui appartient à César… (parlant) Je me demande si c’est une pointe pour Franco.
Mme Subreville. — Oh non ! Pas dans ce journal. Il est tout ce qu’il y a de bien.
L’infirmière-major (lisant). — Par contagion, ils peuvent pourrir les gens qu’ils approchent…
Mlle Verrier. — Oh !
Mme Subreville (importante). — Soyez sans crainte, Mesdemoiselles. Mon mari va faire le nécessaire.
L’infirmière-major (lisant). — Nous nous inclinerons toujours devant le soldat blessé, quel qu’il soit, qui tombe frappé sur le champ de bataille… Blessé, cet homme a droit à la pitié et au respect. Il n’en va pas de même de ces êtres qui se sont livrés aux pires excès dans les bas-fonds de Barcelone…
Mlle Hemery. — Il est de Barcelone, Domingo ?
Mlle Verrier. — Mais non, il n’est pas de Barcelone. Il est de Tarragone.
Mlle Hemery. — Il y a des bas-fonds à Tarragone aussi .
L’infirmière-major. — Ah ! Je vous en prie ! (Elle lit)… arrivés pleins d’abcès, d’une saleté repoussante, indignes de s’appeler des hommes… Horrible besogne que celle de ces infirmières…
Le docteur (qui est entré depuis un moment). — Vous auriez dû mettre vos gants de caoutchouc, Madame. La désinfection est plus facile et plus sûre.
Mme SubrevIlle. — Ah ! voici le docteur. Je suis chargée de vous demander votre concours et de vous offrir l’appui de la municipalité pour que nous soyons au plus tôt délivrés de cette infection, comme vous dites.
Le docteur. — Je crois qu’il y a malentendu, Madame.
Mme Subreville. — Nous ne pouvons pas laisser ces jeunes filles exposées à la contagion.
Le docteur. — Ceci me regarde. S’il y a des mesures à prendre, je les prendrai.
Mme Subreville. — Mais voyons, les gants de caoutchouc, l’infection…
Le docteur. — C’est du journal que je voulais parler.
Mme Subreville (indignée). — Oh ! l’article est de mon mari… Ou plutôt… du moins, c’est lui qui l’a fait écrire.
Le docteur. — Votre mari ou son interprète, l’auteur de l’article enfin, est bien mal renseigné. Nous avons en tout quatre vénériens. Leur proportion est donc beaucoup moins élevée dans cet hôpital que dans la plupart des villes françaises… Il n’y a d’ailleurs parmi eux aucun cas qui présente des risques de contagion dangereux. Mais là n’est pas la question. Nous sommes ici pour tout soigner. Et, jusqu’à maintenant, nous avons les moyens de tout soigner sans vous faire courir, Mesdames et Mesdemoiselles, aucun risque particulier. Le seul que vous aviez à courir, il est trop tard pour vous en préserver et cela n’a pas dépendu de moi.
Mlle Hemery. — Oh ! Nous avons couru un danger, docteur. Oh ! que c’est amusant ! Lequel ?
Le docteur. — La lecture de cette… Soyons poli !… De cette stupidité. Oubliez-la. (Il désigne le journal).
Mme Subrevtlle. — Bonjour. Je me retire. (Elle sort).
L’infirmière-major. — Docteur ! docteur ! Il faut la retenir. Elle vient de me déclarer qu’elle ne reprendrait pas son service tant que nous aurions des… de ces malades à l’hôpital.
Le docteur. — Abandon de poste en présence du tréponème pâle. Laissez-la partir. Elle reviendra bien assez tôt. Laquelle de vous, Mesdemoiselles…
Les jeunes filles. — Moi, moi, moi.
Le docteur. — Nous tirerons au sort. Et maintenant, assez bavardé. Au travail.
L’infirmière -major . — Allez me chercher ce mal amputé.
Mlle Sage. — Oui, Madame. (Elle va pour sortir).
Rideau
Compléments : deux articles de la presse locale ou régionale.
La Voix libérale du Tarn (extrait du numéro du 3 juin 1939, peu de temps après l’arrivée d’un nouveau contingent de blessés républicains espagnols). C’est le journal de la droite à Mazamet :
Vendredi 19 mai, lendemain du jour de l’Ascension, un train sanitaire a laissé pour notre ville quarante malades espagnols ; nous disons malades et non pas blessés et pour dire le mot cru : malades vénériens au dernier degré exclusivement, de véritables loques ; à ce point qu’un est mort en le descendant du wagon, qu’un autre était dans un tel état de décomposition qu’on dut le transporter sur une civière, et on a baptisé ces créatures… des blessés ! Nous ne comprenons pas qu’on ne mette pas toute cette phalange de tristes individus dans des hôpitaux spécialisés, loin de toute habitation que ces gens-là risquent de souiller et de contaminer.
Nous nous inclinerons toujours devant le soldat blessé, quel qu’il soit, qui tombe frappé sur le champ de bataille, en combattant ; blessé, cet homme a droit à la pitié et au respect ; il n’en va pas de même de ces êtres qui dans les bas-fonds de Barcelone se sont livrés aux pires excès ; ils sont arrivés pleins d’abcès, d’une saleté repoussante, indignes de s’appeler des hommes.
Horrible besogne que celle de ces infirmières qui soignent ces maladies cherchées et voulues ; pendant la Grande Guerre, il est incontestable que quelques rares Français ont été eux aussi oublieux de leurs devoirs, mais envers les soldats espagnols qui sont légion à être contaminés, le soldat français était un petit saint.
Nous nous demandons si on prend notre ville pour un dépotoir ; des blessés, oui ! des malades, non ! (article non signé)
Sous le titre « Une mise au point », La Dépêche publie le 6 juin 1939 le texte suivant :
L’arrivée récente d’un contingent de miliciens espagnols malades et blessés à l’hôpital-annexe situé dans l’immeuble de M. Albert Vidal, rue de la République, a suscité dans les organes réactionnaires et cléricaux locaux et régionaux (La Garonne et La Voix libérale) des polémiques outrancières de nature à émouvoir la population de notre laborieuse cité. M. le médecin-chef des formations sanitaires de la Croix-Rouge à Mazamet, directeur de l’hôpital-annexe en question, nous a adressé, en nous priant de l’insérer, la mise au point ci-dessous qui donnera à nos compatriotes tous les apaisements nécessaires :
… parmi les quarante demeurés ici, trois seulement provenaient du fameux bateau-hôpital de vénériens, les trente-sept autres provenaient de deux hôpitaux de Perpignan où ils étaient en traitement pour des maladies contractées au cours des opérations militaires, sans la moindre collaboration de Vénus. Le dieu Mars est en effet bien suffisant pour faire des « malades » dans une armée en campagne battant en retraite.
… aucun des malades actuellement soignés à l’hôpital-annexe n’est un « contagieux ». Les renseignements fournis aux rédacteurs des journaux cités ci-dessus sont donc inexacts, ainsi d’ailleurs que le contenu des fiches médicales reproduites par eux, dont les miliciens malades auraient été porteurs ; leur publication est, au surplus, contraire à l’article 378 du code pénal.
… nous n’entendons pas ici prendre parti pour ou contre les miliciens espagnols. Ce n’est pas à nous de les juger ; pour nos infirmières comme pour nous, il y a des soins à donner à des êtres humains, à des malades qui souffrent, à des hommes dont la situation et l’avenir sont des plus précaires et qui, à ces divers titres, sont infiniment à plaindre. (Signé : docteur Bonneville père, médecin-chef des formations sanitaires de la Croix-Rouge.)
Le dossier complet conservé dans les archives de la famille Vidal contient aussi des lettres de ces Espagnols, ainsi celle de José Canela : « Cuando Sali de su santa Casa… Je garderai gravé dans mon esprit votre noble nom. Puissiez-vous vivre bien des années pour le bonheur de l’humanité et puissiez-vous en jouir auprès de vos enfants. »